
Marie-José Imsand
peintre, graveur,
née à Lausanne en 1962
Formation
Université d’art plastique de Trois Rivières
Université d’art plastique Montréal : UKAM
Activités :
Professeur de peinture gravure et dessin à la Fondation du Levant depuis 1999
Entre à la SSA en 2006 pour son livre «Confidences»
Crée « les éditions Si » en 2012
Atelier, av, Glayres 17 bis, 1004 Lausanne
Site : http/mjimsand.ch
Expositions et performances:
2013 « l’Or » galerie de l’Univers, Lausanne.
2012 « Editions Si » sortie de sa maison d’éditions à la fête du livre de Gruyères.
2009 « Théâtre Sévelin » performance pictural dans le public lors du spectacle
2009 « Nourritures improvisées » Théâtre 2.21 Collectif
2009 « Honneur aux Dames» Collectif Galerie Nane Cailler
2009 « Adaptation théâtrale de Confidences » théâtre de l’Arsenic Lausanne
2008 « Un certain sourire » street painting le Flon, Lausanne
2007 « Streets 22 septembre» expo le Flon, Lausanne
2007 « La terre » le Chuv, Lausanne, collectif street painting Lausanne
2006 « Confidences » édition La Sarine, interviews de Marcel Imsand
2006 « Performance» Street painting le Flon Lausanne
« Europ'art » Galerie L'Eplattenier à Genève Palexpo
2006 « Jour toi » Galerie Nelly L'Eplattenier
2004 «Performance » peinture en direct 3x 1,5m lors du Concert Psalmodia
2003 « Visarte syncrétisme » catalogue
2002 « culture hygiénique » Visarte au Musée Arlaud, (installation, peintures)
2001 « accrochage de printemps » la galerie Pomone, Lutry
2000 « les cahiers de la chapelle » la galerie du Calvaire, Gruyères
portraits, dessins en noir/blanc
1999 « La femme phare » collectif nationale de la SSF, peintures
1998 « Gravure sur bois » collectif à l’espace culturelle d’Assens
1997 « L’homme et le chien » portraits, dessins en noir/blanc
avec des photographies «les hommes du désert » de M.Imsand
1995 « La lumière du bois » à la galerie Le Blanc de Cieux , cinq salles d’expo
gravures /bois avec les sculptures de H.Schweizer
1995 « Portraits avec dames » collectif avec et autour de F.Simonin, Vevey
1995 « Cercueils » collectif de cercueils en cartons galerie Le Titanic, Lausanne
1994 « Encres et eaux » lavis, cinéma la Strada, Genève
1993 « Infinité I » gravures/cuivre, cinq salles d’expo.
1992 « Une gravure pour l’Amérique Latine » plaquette et expo pour la Suisse
«La megaron » collectif de lampes peintes chez Danese, Lausanne
1991 « Pour un solstice d’été » portraits peints
«Passages obligés » création du montage de la place de la Palud pour
les artistes de la Galerie 16/25
« Performance» portraits en direct écran géant 4mx4m des passants
1990 «Contexte, note, vertige » collectif de la galerie 16/25 au Musée National
de Bucarest, Roumanie
1989 «Ardoises » peintures, Fondation Louis Moret Martigny
1988 Décors au théâtre de Vidy pour « Destination B4 » et « La grosse reine »
1987 « Deux regards et Basta !! » treize portraits pastel face à treize portraits
1986 « Instants donnés » peintures, galerie 16/25 Lausanne.
Texte biographique écrit par Bertil Galland
Illustrant « encres « le 1er titre des éditions Si
Les dessins sur papier de Chine de Marie-José Imsand
Bertil Galland
En 1984 Mylène Imsand, mère de Marie-Jo, voyageait en Chine. A Xian elle accompagnait un groupe qui s’émerveillait devant l’armée enfouie de l’Empire Han. Elle ne pouvait se satisfaire des souvenirs que les autres achetaient dans les échoppes. Elle recherchait du papier à dessin, pensant à sa fille de 22 ans qui se vouait à la peinture. Il lui revint que la ville possédait une manufacture de papeterie. A l’usine lui furent proposées des feuilles en tout genre. Elle insista pour trouver la texture la plus fine. Elle se retrouva, dans les bus, les trains et les avions, encombrée d’un pesant rouleau de rivière soyeuse, aussi haut que la voyageuse.
A Lausanne, ce cylindre impérial, impérieux, mais de si délicate matière, prit place dans l’atelier de Marie-José Imsand. Il resta longtemps intact. Il existe une photo polaroid attestant sa longue présence de stèle votive tandis que la jeune femme mûrissait. En 1983, elle avait étudié à la Haute école d’art plastique de Trois Rivières et à l’UKAM, l’Université du Québec à Montréal, invitée en élève libre par Françoise Simonin. A Lausanne elle exposa pour la première fois en 1986 : des peintures à la galerie 16/25 ouverte par la Ville de Lausanne, puis chez Basta !! ses «Instants volés», portraits au pastel. Elle réalisa des décors pour le Théâtre de Vidy, peignit des ardoises présentées à Martigny à la Fondation Moret, participa à une exposition collective en Roumanie. Parmi ses créations de ces années-là, la plus gracieuse fut la mise au monde de Sarah Imsand, petite princesse née d’Omar Mohamed, l’ami éthiopien.
En 1990 l’artiste se laissa tenter enfin par son papier chinois, par sa légèreté d’aile d’elfe, par ses émanations de lointaine Asie. Elle entreprit une œuvre qui, dans ses débuts de plasticienne, n’avait pas de précédent bien qu’elle ait déjà dessiné des portraits en grand nombre. Elle se mit au travail dans une spontanéité proche de l’esquisse, mais fut bientôt portée par une sorte d’ivresse et entraînée avec une force croissante par le flux de ce matériau. Sa longueur évoquait une frise. L’idée d’une fresque n’était pas étrangère à Marie-Jo, car elle avait participé, sans être retenue, à un concours pour la décoration du hall d’entrée du Métropole, salle de concert qu’on rénovait. Elle s’était résignée à son échec, jugeant ce projet trop ambitieux. Or le papier chinois ranima l’envie d’une entreprise au long souffle, mais par le dessin à la plume qui convenait à sa fragilité. Travailler sur une trame qui pouvait atteindre des dizaines mètres dépassait évidemment les dimensions de l’atelier, mais on saisit le sens de l’œuvre que nous allons décrire si l’on perçoit l’idée d’un parcours, comme on visionne un tableau, en Extrême Orient, en le déroulant peu à peu, pénétré de ce qui précède et sans cesse porté vers un prolongement attendu. C’est le mouvement d’une vaste exploration de soi, liée à une découverte du monde. Voici donc, dans sa paradoxale délicatesse, cette cosmogonie de Marie-José Imsand.
En fait, cette rivière de papier fut découpée en 26 bandes. Elles mesurent pour la plupart 85 cm de long et 26 cm de large. C’est au bec trempé dans l’encre de Chine, donc au noir intense, que la fresque fut entreprise, lignes à la minceur variable mais nettes, jetées dans les volutes de corps en mouvement ou en méditation, dans une foison décorative, avec des éclats, des taches, des concentrations sombres et le recours parfois à un pinceau pour des à-plat, des flous et des grisés. Dans certains cas intervient un étalement de couleur à l’aquarelle, rouge, jaune or, bleu ou vert. Mais ce sont les arabesques en noir qui l’emportent, gestes, sauts, accolades, colonnades, acanthe et palmiers. Mais quelle est cette population qui bondit en ce décor ? Dans quel monde ? Portant quel message ?
Pour répondre, une confidence. A cette époque, les conversations avec Marie-José Imsand pouvaient être déconcertantes. Son atelier se situait et se trouve encore dans une cabane inattendue, flanquée de quelques arbres fruitiers mais cachée et dominée par d’anciens immeubles locatifs d’un quartier de Lausanne on ne peut plus urbain, entre l’avenue de France et celle d’Echallens. Quand elle allume son poêle en ce refuge, aux parois de bois tapissées d’oeuvres en cours, on se croirait en forêt. On parle, on cherche à convaincre l’artiste de retourner les peintures posées au sol et, dans les moments privilégiés, ce qu’elle nous dit prend son envol. On accède à des sphères de lectures, d’émotions, de formes, de mots en ébullition, de souvenirs discrètement évoqués, de réflexions techniques, d’espoirs, de propos familiaux, de communications portées par des forces indéfinissables. Elles font tourner la tête. On tente de suivre. On aspire à percer le secret. Or le 14 octobre 1993, jour où je découvris sur sa table le papier de Chine couvert de dessins tout au long de seize bandeaux (une dizaine ne me furent pas montrés), je fus frappé par leur cohérence, par leur beauté, par l’élan qui parcourait toutes ces explorations de l’imaginaire et leur conférait leur unité.
La première réponse aux questions que nous avons posées était là. L’effervescence intérieure de Marie-José Imsand, lorsqu’elle était traduite par la parole, portait des messages qui n’étaient pas exempts d’une certaine confusion. Celui qui lui prêtait l’oreille avait quelque peine à passer avec elle d’un thème à l’autre. On percevait des aspirations esthétiques, religieuses, nées des soucis quotidiens, viscérales peut-être, mais du meilleur aloi. D’une source intérieure émane une rivière qu’on suit avec ses méandres, ses cascades. Elle trace une destinée, celle d’une jeune femme, celle des femmes, des amantes, des mères, des amies, celles qui travaillent durement pour vivre en parvenant par grâce et stratagèmes à préserver leur île des songes et de la création, quand bien même les circonstances paraissent hostiles et que les nécessités obligent la mère artiste à s’engager comme serveuse dans un café, à vendre des fleurs à la gare ou des journaux en kiosque, bref à nourrir sa petite famille, sans cesser de réconforter les sidéens de la Fondation du Levant par son enseignement de l’art ni de respecter son horaire de professeur de dessin. Dans cette apparente surcharge du quotidien, Marie-José a recherché le salut en feuilletant des ouvrages sur les peintres aimés, en se laissant porter par des images, des récits et des poèmes, dans des expériences amoureuses qui l’ont ouverte au monde, dans des chants appris par cœur depuis l’enfance, comme ceux de Barbara, proche de son père, et c’est aussi par Marcel Imsand que la danse s’est imposée à Marie-Jo comme le langage initiatique par excellence. Par quel hasard et quelle nécessité ? A cause de l’arrivée de Maurice Béjart à Lausanne en 1987. A cause des années où sa présence illuminante et sa troupe d’amis bondissants, aux gestes oniriques, se mirent à peupler la scène, les rues de la ville, les photos paternelles et ses propres esquisses. Les «dessins sur papier de Chine» sont littéralement une ribambelle de danseuses et de danseurs. C’est une sarabande narrative.
A l’écoute de Marie-Jo, une sagesse en folie semblait monter du fond d’elle-même, faite de citations mystérieuses, d’une humble résignation à des maux et des peines dont elle ne se plaint jamais, d’invocations à des forces inconnues. Et vissés à notre réalisme nous demeurions parfois perplexes. D’où la réserve que la spontanéité débordante peut inspirer. Mais comme le mot l’indique, cette «suite» affirme soudain graphiquement la cohérence de celle qui semblait partir en tous sens. Une œuvre est née qui a développé une continuité dynamique par une succession de surprises. C’est un déroulement à la manière d’un spectacle scénique. Le temps demeure figé dans un tableau bien cadré mis le voici en fuite d’un bandeau à l’autre. Les composantes disparates de l’imaginaire sont là, rassemblées, mises sous pulsion et liées : courses, enlacements et entrechats, mais aussi des suspens, des invocations, de espaces de tendresse et de respiration dans la succession de visages en gros plan ou de personnages minuscules dans un décor de palmes, de couronnes et de pavillons. Aux sollicitations multiples s’impose l’unité d’une plume et d’une voix, dans une poussée initiatique. Par les traits fins de l’encre et par les courbes élégantes, les gestes, les architectures, les feuillages et l’esquisse de paysages, la sarabande ne cesse de rebondir, exprimant l’être, la douleur de la femme, l’enthousiasme à s’éprouver belle, aimée, libre et cabriolante. Le désir est celui du corps, avec pudeur, des sentiments avec des élans continuels, de l’âme par les visages en prière sous le regard énigmatique des dieux. Avec aisance, les traits passent de l’allégresse des danseurs à la célébration, à des figures isolées et sanctuarisées, coiffées d’un diadème, enveloppées d’un nimbe, sacralisées par l’ovale ou des rinceaux.
Car cette création exubérante n’est nullement un déversement incontrôlé. Elle est spontanée à la manière d’une transe chez un médium fidèle aux rites. C’est une chorégraphie d’un dynamisme extrême, avec une succession de focalisations et de tempos, avec l’agnus dei, le dies irae et le sanctus. Il y a certainement, dans l’oeuvre de Marie-José Imsand, l’expression d’une foi, mais affranchie, définie non par des dogmes mais par des thèmes porteurs. Avec sincérité, ce dessin exprime l’exigence d’un dépassement de soi. Il détache l’être du banal et de l’absurde. Par les bras levés, par la tête penchée dans le recueillement, par les jetés élégants des danseurs, il en appelle à nos champs de force.
Ces bandeaux ne sont pas la confession de fantasmes. Ces rondes de corps évoquent la richesse de l’amour, jambes et bras ouverts, souvent enlevés en arabesques. De l’Asie, où l’artiste n’est jamais allée, et hors du mimétisme qui menace les connaisseurs, Marie-José Imsand a saisi, extraordinairement intuitive, certains thèmes et principes orientaux. Sous l’influence du papier de Xian? A cause des bandeaux ? Peut-être. Un art chinois et un art indien dans la tradition bouddhique se sont mêlés dans un décor luxuriant autour de figures sacrées et symboliques. «Je n'ai utilisé aucun livre pour faire ces dessins qui se sont faits naturellement, me dit Marie-Jo. Mais j'aime profondément l'art bouddhique. Sur l’Inde je possède de vieux livres noirs blancs trouvés au marché. La Chine c'est des films, des écrivains, des photos. Un Orient rêvé? C'est très juste si on peut le dire ainsi pour ces dessins.»
Retenons de la Chine le rôle du vide. Dans ce cas l’espace est horizontal, né du papier lui-même, obligeant le regard à se déplacer peu à peu, à se nourrir de zones non remplies tandis qu’il progresse dans le rouleau. Au fil du parcours, ce qu’on a vu et ce qui reste à voir suggère un infini. Ce déploiement progressif de l’inconnu est un conditionnement aux mesures du monde, vaste jusqu’au désert en contraste avec les paysages clos et rassurants par maints petits détails, personnages, oiseaux, branchages, dans le vaste flux du temps. Rejoignant instinctivement la tradition chinoise, Marie-José Imsand se garde de trop envahir son papier. Elle espace ses scènes et ses sujets en les disposant sans système, mais structure le déroulement avec légèreté par des surprises : lune, soleil, navire, violoniste. Chinoise encore, l’alternance de traits fins et de taches d’encre couvrante, sans parler des gris flous au pinceau d’aquarelliste. Ces variations du mouvement et du ton, comme en musique, animent l’œuvre par des phases et des reprises. Tandis que notre attention est ainsi tenue en éveil, nous sommes frappés par la sûreté des formes jetées, par l’élégance dans les volutes et par le défi des éclaboussures. Des techniques diverses, sous l’apparence du hasard, assurent le suivi, au long d’une oeuvre qui atteint au total une vingtaine de mètres.
Chinoise enfin, l’inscription de textes dans le tableau. Que disent ces sentences ? Dédicaces, citations ou perles, en voici quelques-unes, comme des éclats de poème répandus en contrepoint des images:
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Je te livre ces dessins et la clé du secret à toi qui a ouvert le coffret de Pandore et un jour puisses-tu ainsi livrer le conte de Télémaque
On retrouve en ces mots le mystère des conversations avec l’artiste, mais l’iconographie qui les sertit nous ouvre à la compréhension de cet univers.
Plus loin :
- Ainsi je me souhaite dans cet(te) agnus dei courir et chanter dans ma vie
Encore :
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Notre ordre est d’un cinéma nouveau
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On redoute des filles pour leur beauté pour leurs larmes pour leur joie d’âme sœur
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Qu’est-ce que l’éveil le rêve dans un chant d’amour
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Je pense vivre dans un monde révélé mais qui est diable
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J’attendais les princes fils des Dieux de toutes civilisations
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Et j’ai suivi l’homme en habit rouge dans son vaisseau fantôme
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Comme ça, sans savoir que j’existais
- Est-ce le soleil se met-il en quatre comme peut le faire la lune ?
En terme de critique littéraire, la séduction qu’exercent en douce ces phrases énigmatiques relève peut-être de l’art brut. Elles rappellent certaines formules étonnantes que les parents de Marie-Jo trouvaient dans les lettres de son frère, le photographe disparu, Jean-Pascal. La poésie, au sein de cette famille, naît spontanément dans les mots autant que dans les oeuvres graphiques. On ne peut ignorer, dans les dessins qui nous retiennent ici, l’influence de Marcel Imsand, celle de Mylène sa femme et d’une fratrie de deux filles et un garçon qui intégrèrent le traitement passionnel de l’image jusque dans la salle de bain où se développaient les bobines photographiques du père. Dans ses créations picturales celui-ci n’a cessé de traduire ses émotions. Chez Marie-José Imsand, l’approche des événements et des hommes a pris dans ce contexte une constante tournure affective liée à l’esthétique. L’observation et l’écoute sensorielles des autres se sont mêlées naturellement à sa vie intérieure, à ses activités quotidiennes, dans une dynamique qui a fini par se traduire impérieusement en lignes, en courbes, en matières, en gestes sur la feuille blanche.
Une découverte du monde ? La réponse est donnée dans l’un des dessins sous la forme explicite d’un globe, au-dessus de trois figures levant les bras. Mais des questionnements intimes, des troubles, des épreuves jusqu’à des étapes de confusion, ont trouvé dans l’éthique familiale une issue claire: une célébration sans complexes du rôle des sentiments, de la générosité, comme source d’une force qui nous dépasse, nous invite à créer, nous guide hors du champ des médiocrités, laideurs et violences. De là pouvait naître une chorégraphie, les bras tendus, les sauts démesurés, l’enlacement des plantes grimpantes dans les colonnades, deux fronts posés l’un contre l’autre, des figures agenouillées, les doigts qui soutiennent la perfection géométrique d’un oeuf. Il ne s’agit jamais dans ces dessins du portrait d’une personne précise, pas de naturalisme, mais les sylphides flottent en ronde comme celles de Matisse dans «La danse» de 1909. L’artiste connaissait «ce tableau si beau et formateur, dit-elle, comme presque tout ce que Matisse a fait».
Après les Fauves qui simplifient les couleurs (un dessin tahitien de Marie-Jo est signé «Gauguin XVIII sept 1991») et après certains traits de l’art chinois nous sommes conduits à une Inde rêvée et ramenés au goût de ses sculpteurs pour la cosmogonie, l’explication du monde par la foison du décor où se dressent des figures tutélaires. On pense à l’art Amaravâti et aux bas-reliefs qui représentent un sommet de la sarabande narrative. Déesses et dieux présumés trônent, chez Marie-Jo Imsand, nous l’avons vu, dans des ovales, à l’abri d’arcatures exubérantes, la tête chargée d’une couronne ou de bijoux amoncelés. Les figures sacrées possèdent chacune son sanctuaire ou se superposent à trois ou à quatre dans des niches, avec une suite de sages et de présences ailées. Un vieillard tient un sceptre étoilé. Des femmes agitent un voile. Un corps est propulsé vers le ciel en fusée. La suite bondissante et légère des danseurs fait escale dans un Onirie aux architectures surchargées, avec stèles, jardins, escaliers, chapiteaux et piliers en torsades. Le papier est si fin qu’on peut regarder ces parcs princiers par le verso, pâlis comme s’ils se reflétaient dans un lac brumeux. Toute interprétation symbolique de tels spectacles serait pesante. On salue simplement une femme qui sent croître un petit enfant dans sa chevelure, le passage d’une licorne, un bouffon qui lit, coiffé d’un bonnet à quatre clochettes, une figure consolatrice en noir, debout, des fleurs autour de sa tête, contre qui vient s’appuyer un jeune danseur rouge tandis qu’une danseuse, au premier plan, leur tourne le dos et pleure, un bras levé.
Ce sont de brefs poèmes dans une prosopopée, mot qui désigne des oeuvres hallucinées, rappellent Apollinaire et les amantes perdues de ses évocations rhénanes. Ou Michaux drogué dans sa chambre ovale, saisie surréaliste de drames et de rencontres dans les décors de notre vie intime. Ou voici plus musicalement les masques et bergamasques du Verlaine des jets d’eau, une reine des abeilles dans une mandorle, une beauté dans un harem princier, nue et voilée entre des colonnes de fleurs, des maisons de branchage dans une île du bout du monde sous un pesant nuage de mousson...
Marie-José Imsand a noté parmi ses dessins un poème qui s’achève par ces mots: « …nourrir humblement votre imagination ».
BG/Rimont/26 Janvier 2010.